La prise de parole des dirigeants dans les médias aux Etats-Unis
vendredi 11 décembre 2015
,De Steve Jobs à Mark Zuckerberg en passant par Bill Gates, les grands dirigeants américains ont démontré leur aisance à communiquer directement et personnellement auprès de leurs auditoires –investisseurs, employés, consommateurs- via les médias sociaux ou traditionnels. De fait, leurs prises de parole médiatiques paraissent naturelles, jusque dans les réseaux sociaux, car, fondateurs de leurs sociétés respectives, ils incarnent les valeurs et principes de ces dernières: le classement annuel des CEO les plus présents sur les médias sociaux prouve que ces entrepreneurs tiennent le haut du pavé en matière de communication digitale.
Entrer et savoir correctement se situer dans l’arène médiatique est en revanche chose moins aisée pour des dirigeants non-fondateurs qui doivent leur statut à une nomination. Or, aux Etats-Unis, certains d’entre eux s’essaient depuis peu à cet exercice innovant de communication directe et personnelle. Une tendance qui s’explique principalement par une volonté d’humaniser des mastodontes de l’industrie et, ainsi, de gagner la confiance de tout un écosystème.
L’exemple le plus notable est celui de Mary Barra, CEO de General Motors. L’entreprise américaine traversait une période difficile, marquée par des suppressions de postes, des résultats en baisse et une image globale écornée. Arrivée aux commandes de General Motors fin 2013, Mary Barra avait l’ambition de regagner la confiance du secteur public, de ses partenaires commerciaux et, avant tout, du consommateur. Au lieu de persister dans une communication distante et passive, en somme classique, « she chose to become public », selon l’expression consacrée aux Etats-Unis. Une ambition servie par un leitmotiv : parler de soi, parler pour l’entreprise. D’interviews en posts sur Twitter en passant par des conférences de presse, Marry Barra multiplia les occasions pour s’exprimer personnellement sur sa propre histoire – une femme qui a gravi seule les échelons -, ses espoirs pour GM et sa confiance en l’avenir. En saturant de sa présence l’espace médiatique, Marry Barra réussit un coup de force : incarner une marque et humaniser un groupe de plus de 200 000 employés.
Mais Marry Barra reste une pionnière en matière de communication auprès des médias traditionnels et sociaux.D’après l’étude The Social CEO (Weber Shandwick – KRC Research), les cadres dont les dirigeants sont actifs dans les médias sociaux perçoivent ce type de communication comme « risquée » ou « très risquée » à 49%. Paradoxalement, ces cadres estiment que cela fait de leur patron un individu innovant (61%), efficace (50%) et accessible à 48%. Toujours selon cette étude, l’objectif de ces dirigeants est en priorité de toucher leurs employés (71%) mais aussi les consommateurs (64%), suivis de près par les investisseurs (51%). La communication active et personnalisée, via les médias, constitue un facteur clé de crédibilité et de confiance auprès d’un auditoire très large. A l’image des gérants stars dans les fonds d’investissements, c’est en prenant les devants que les patrons dirigent, soutiennent, voire sauvent leur entreprise.
Publiée en mai 2015, l’étude du professeur W. Brooke Elliott du College of Business of Illinois met en valeur les bénéfices très tangibles d’un engagement régulier et personnalisé des patrons sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. On a observé la réaction d’un échantillon de 194 investisseurs face à une information financière négative, comme une performance financière en deçà des attentes de l’objectif annoncé. Résultat éloquent : ceux qui ont eu accès au communiqué de presse via le site internet et le fil Twitter corporate sont bien moins nombreux à vouloir investir dans la société que ceux qui ont reçu la même information via le fil Twitter personnel du CEO (http://www.marketingsherpa.com/1news/chartofweek-092915-lp.htm). Cette étude montre également qu’il ne faut pas attendre une situation de crise pour communiquer: quand un patron prend l’habitude de publier régulièrement des informations sur sa société, un événement négatif est perçu comme ponctuel et mis au même niveau que des informations positives.
Aujourd’hui, aux Etats-Unis, les patrons absents (dans les médias traditionnels et sociaux) ont toujours tort. Pour les dirigeants, préempter le territoire médiatique devient un moyen déterminant de maîtriser l’image de leur société, de fédérer leur écosystème, voire même d’anticiper leur communication de crise. En France, en dehors des grands entrepreneurs, peu s’y risquent. Vu des Etats-Unis, c’est pourtant la tendance incontournable de demain.
NYC, le 9 décembre 2015