De New-York à San Francisco, quand on parle des fonds français présents aux US, un nom revient systématiquement, celui de Partech. Rien d’étonnant : cet investisseur pionnier a ouvert son premier bureau à San Francisco en 1982, alors qu’il était encore une filiale de Paribas. Depuis, il a pris son indépendance et s’est déployé à Paris et Berlin et enregistré un bon nombre de success stories qui ont fait la Une des médias, de Business Objects à PriceMatch (acquis par Booking.com) en passant par Pulse.io (acquisition de Google). Le fonds revendique 21 introductions en bourse et plus de 50 cessions stratégiques supérieures à 100 millions de dollars auprès de grandes entreprises internationales.  Leur dernière actualité en date : la levée de 100 millions d’euros pour leur nouveau véhicule d’amorçage.

Nous avons donc rencontré Reza Malekzadeh, Général Partner de Partech basé dans la Valley, i.e. le Français le mieux placé aux US pour nous parler de Private Equity des deux côtés de l’Atlantique.

Reza, tu possèdes une très solide connaissance du milieu des VC américains et français : quelles sont les principales différences en termes de travail ?

Les différences sont notables à toutes les étapes de l’investissement. Tout d’abord, en France, les entreprises passent souvent par des apporteurs d’affaires, ce qui n’existe absolument pas ici. Faire appel à un leveur de fonds dans la Valley serait même perçu comme un très mauvais signe envoyé aux fonds. Aux Etats-Unis, le networking est la clé pour trouver des deals : les investisseurs misent sur leur réseau personnel, développé au fil de leur carrière. C’est un métier très humain, où la notion de confiance est centrale.

La vitesse d’investissement est également bien plus rapide aux US qu’en Europe : comment l’explique-t-on ? Et qu’en est-il en termes d’accompagnement ?

C’est vrai, les fonds américains sont très réactifs avec une réelle volonté de préempter les deals. Les investisseurs de la Valley veulent aller directement sur le terrain alors que les Français accordent beaucoup d’importance à la due diligence et à l’analyse en amont. Ces derniers ont une approche plus prudente et donc attendent plus longtemps avant d’investir. Pour donner un exemple, le fonds Benchmark Capital (investisseur de la première heure dans Twitter, Uber Snapchat…)  a engagé 10 millions d’euros auprès de Docker, avant même que ce dernier n’ait sorti de produit ! On explique cette réactivité par une culture business et l’acceptation d’échouer, typiquement américaines. En termes d’accompagnement des entreprises,  les fonds américains ne sont pas plus « hands-on »  et on ne peut pas dire que les investisseurs soient plus présents auprès de leurs participations. Toutefois, la principale différence reste toujours la réactivité : ils sont là dès que l’on a besoin d’eux et très à l’écoute des besoins de leurs investissements.

Quel conseil donnerais-tu à un fonds français qui veut s’installer aux US ?
La clé est de comprendre la culture locale de la Valley et de savoir s’y adapter. Ici, les codes business sont extrêmement différents. Les investisseurs ont, par exemple, pignon sur rue : quand on cherche à joindre quelqu’un, qu’il soit de haut niveau ou non, on obtient une réponse rapide et directe de son interlocuteur. D’ailleurs, il ne faut pas s’étonner de l’aspect abrupt de certaines réponses : les gens ne veulent pas vous faire perdre de temps. Cela vaut pour bien d’autres codes également. Le tout est de les connaître et de savoir les employer.

Quelle est l’image des fonds français et plus particulièrement de Partech ici ?

Les relations entre les fonds US et les fonds français sont très bonnes. Pour preuve, il n’est pas rare de les voir co-investir dans des start-ups ici : je peux ainsi citer notre investissement dans Tribe dans lequel Sequoia est partie prenante. Partech est vu comme un fonds européen transatlantique qui a un accès privilégié à un dealflow européen. Plus globalement, je ne pense pas que la France ait un problème d’image mais elle devrait plus miser sur ses atouts. Je fais notamment référence à l’intelligence artificielle ou à nos data scientists, deux domaines dans lesquels nous sommes en avance et que nous devrions mieux valoriser ici. Sur ces questions, les efforts de BpiFrance et de la French Tech vont dans la bonne direction même s’il reste encore beaucoup de marge avant d’arriver au niveau des Israéliens et des Indiens qui savent très bien se vendre dans la Valley.

Quelles sont les perspectives dans la Silicon Valley pour les prochains mois ?

Depuis un an, on a observé une correction des valorisations. Le dealflow a été nettoyé, écartant les entreprises trop valorisées. Je crois que ce réajustement est un bon signe : les entreprises constituent à présent leurs dossiers avec beaucoup plus de soin. En ce qui concerne Partech, nous allons continuer notre développement ici mais également sur la côte est des Etats-Unis pour construire de nouvelles success stories !

Anna Casal – @ci_anna
Stratégie et médias : le blog sur la communication aux Etat-Unis

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